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Photo: Raynald Bilodeau

Ces granges qu’on laisse tomber… ou pas

« À la fin des années 1970, on voyait beaucoup de belles vieilles granges [au Québec]. Il en reste peu et, quand on en trouve, elles sont en mauvais état », observe Donald Vézina, directeur de Culture et patrimoine Deschambault-Grondines, dans l’article de Nicole Beaulieu.

Il n’est pas le seul à faire ce triste constat. Ces cathédrales de nos campagnes tendent à disparaître, elles qui constituent pourtant des éléments clés de nos paysages ruraux. Pourquoi? En bonne partie parce qu’en agriculture, les pratiques ont évolué et la production s’est concentrée sur le territoire au cours des cinquante dernières années. Par exemple, le nombre de fermes laitières est passé de 59 000 à 5000, selon Gérald Domon, directeur scientifique associé à la Chaire en paysage et environnement de l’Université de Montréal. Pour cette raison, mais aussi parce que les granges anciennes ne sont plus adaptées aux nouvelles technologies, plusieurs d’entre elles ont perdu leur utilité. Difficile, alors, de convaincre leurs propriétaires de continuer à les entretenir.

Là où la loi le permet, il est possible de transformer ces bâtiments en théâtre d’été, en salle de réception, en boutique, en centre d’interprétation, voire en résidence, en aréna ou en cinéma. Par contre, il arrive qu’en raison du zonage, ils doivent conserver une vocation agricole, ce qui limite les possibilités. Selon Maxime Laplante, président de l’Union paysanne, leur pérennité passerait par l’ouverture à une agriculture diversifiée puisqu’ils ont été conçus à cette fin. Il faudrait toutefois modifier le modèle actuel pour favoriser cette avenue.

Pour que de beaux projets voient le jour en matière de conservation des granges anciennes, il faut aussi des gens conscients de l’importance de cet héritage. Comme la famille Aubin. La vidéo L’île d’Orléans et son patrimoine bâti agricole, mise en ligne sur YouTube en janvier dernier, raconte comment ses membres ont entrepris la restauration de la grange centenaire, sise sur leur terre, à Saint-Pierre. « Pourquoi on le fait? C’est un investissement dans le patrimoine, lance Patrick Aubin. C’est pour ne pas perdre ce joyau-là. » Il s’emballe devant la qualité de construction « incroyable » des vieux bâtiments et l’ingéniosité de ceux qui les ont édifiés, avant d’affirmer que lui et les siens ressentent une grande fierté à sauvegarder cette mémoire.

Interviewé durant les travaux, l’homme raconte également que des passants s’arrêtent régulièrement pour poser des questions et prendre des photos, heureux qu’on donne un peu d’amour à ce témoin historique. Normal, puisque sa remise à neuf profitera à l’ensemble de la population.

Parce qu’il est urgent d’agir et que la survie des granges anciennes nous concerne tous, le dossier de notre numéro d’été s’intéresse à ce sujet. Nous y abordons l’architecture de ces bâtiments et les enjeux entourant leur préservation, en plus d’y explorer diverses initiatives visant à les préserver et à les mettre en valeur. Vous y trouverez même quelques conseils pratiques pour redresser les constructions en voie de s’affaisser. Comme quoi, même devant une situation apparemment dramatique, il reste parfois de l’espoir.

Cet article est disponible dans :

Granges anciennes. L'art de tenir debout

Été 2020 • Numéro 165

Des souliers qui font voyager dans le temps

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