Ces sons qui nous habitent
Caroline Fortin, Directrice générale et rédactrice en chef du magazine Continuité
Chacun peut tracer la trame sonore de sa vie : il suffit de tendre l’oreille. Le craquement du parquet, les arbres qui frémissent, la cacophonie de la ville, le tintement d’une cloche d’église ou encore la corne de brume d’un bateau. Parmi ces sons, lesquels s’inscrivent dans notre héritage collectif ? La réponse ne pourrait être plus simple : le patrimoine sonore est tout cela, et bien plus. Il englobe tout ce qui frappe nos tympans et s’intègre si bien dans notre vie de tous les jours qu’il passe souvent inaperçu.
Même si les sons ont toujours existé, leur conservation est plutôt récente. Il faut attendre l’invention des technologies d’enregistrement à la fin du XIXe siècle pour que naissent la pratique et la reconnaissance du patrimoine sonore. Malgré l’accessibilité grandissante des technologies et l’intérêt croissant pour le son, l’enregistrement dans une visée de préservation est encore aujourd’hui soutenu par une poignée de passionnés. Ce sont d’ailleurs eux que vous retrouverez dans ce numéro.
De plus en plus d’artistes québécois s’inspirent directement du patrimoine sonore, que ce soit celui des lieux de culte, des métiers traditionnels ou encore des navires anciens. En intégrant les tonalités de notre patrimoine dans leurs œuvres et leurs installations acoustiques, ils participent à la mise en valeur et à la conservation de notre héritage collectif.
Chez les professionnels du patrimoine, plusieurs prêtent maintenant attention à un nouveau sens : l’ouïe. Par exemple, les recherches doctorales de Josée Laplace permettent d’élargir nos connaissances sur l’acoustique des églises montréalaises. Du côté de la France, l’archéologue du paysage sonore Mylène Pardoën reconstitue les sons des époques passées, notamment ceux de la construction de la célèbre cathédrale Notre-Dame de Paris. L’Association de sauvegarde du patrimoine sonore industriel, quant à elle, propose une plateforme en ligne gratuite où sont conservés les sons de divers objets, allant des voitures anciennes au juke-box.
Un autre aspect important du patrimoine sonore est son appropriation par les musées. Le Musée
maritime du Québec, par exemple, a plongé dans ses archives en plus d’enregistrer une multitude de sons dans un navire datant de la Seconde Guerre mondiale. Tout cela dans le but d’offrir à ses
visiteurs une exposition multisensorielle.
Ouvrez grand les oreilles, ce numéro saura réveiller en vous un nouveau sens patrimonial ! ◆
Caroline Fortin est directrice générale et rédactrice en chef du magazine Continuité