Des prières exaucées
Émile Gilbert
Grâce au Domaine Forget de Charlevoix, l’église de Saint-Irénée aura une seconde vie. Aperçu d’un projet prometteur.
La fréquentation des églises a beaucoup diminué au Québec au cours des dernières décennies. Cette baisse affecte la capacité de maintenir ces édifices en bon état et d’assurer leur pérennité, même lorsqu’ils sont patrimoniaux.
C’est le cas de l’église de Saint-Irénée (1842), la plus ancienne de confession catholique dans la région de Charlevoix. Sa situation financière était devenue préoccupante pour la fabrique Saint-Laurent de Charlevoix. Celle-ci a donc proposé au Domaine Forget d’acquérir le bâtiment sous trois conditions. D’abord, il fallait que la communauté puisse continuer de l’utiliser comme lieu de culte pour ses activités liturgiques, mariages, funérailles et baptêmes. Ensuite, l’organisme sans but lucratif devait s’engager à le maintenir dans son état physique, à l’entretenir et à le protéger. Enfin, la fabrique tenait à ce que les ententes existantes soient respectées (stationnement, sentier pédestre, etc.). Cette proposition a été approuvée par la Municipalité de Saint-Irénée et ses citoyens.
Une entente gagnant-gagnant
Depuis plus de 40 ans, le Domaine Forget œuvre en formation et en diffusion. Chaque été, son festival international propose une centaine d’événements axés sur la musique classique, le jazz et la danse. Quant à son Académie de musique et de danse, elle offre une quinzaine de sessions de perfectionnement. Or, le manque d’espaces de répétition était devenu un frein à son développement. Cette acquisition représente donc un atout considérable en cette matière.
De plus, l’église fournit un cadre idéal pour certaines activités comme les concerts de musique sacrée. Voilà qui ouvre la porte à de belles collaborations entre le Domaine Forget et la paroisse à l’occasion de divers événements. Sans compter que le lieu de culte possède un orgue Casavant en excellent état. L’instrument pourrait être mis à profit non seulement pour la diffusion de concerts, mais également pour l’enseignement de cette discipline, qui n’est pas encore présente dans le cursus de l’Académie.
Enfin, le Domaine Forget est propriétaire à Saint-Irénée d’un vaste patrimoine ancien et contemporain : une douzaine de bâtiments, dont certains datent des années 1900, un jardin de sculptures et une salle de concert de calibre international. Il possède donc les infrastructures, le personnel et les expertises techniques requises pour prendre en charge cet édifice historique.
Un projet ralenti, pandémie oblige
Afin de bien évaluer la situation, un bilan de santé a été réalisé. Ce dernier mentionne les travaux de maintien d’actifs qui devront être exécutés au cours des 10 prochaines années ainsi que la nécessité de restaurer le revêtement extérieur du bâtiment. Le Domaine Forget souhaite conserver intégralement le patrimoine religieux de l’endroit, ce qui inclut, entre autres, le maître-autel, des tableaux, la lampe de sanctuaire, des statues de même qu’un chemin de croix unique, sculpté en ronde-bosse et peint. Cela comprend également les artefacts propres à ce pays de marins, où les gens avaient la coutume de suspendre des maquettes de leurs navires dans les églises, ce qui devait leur assurer la sécurité en mer.
Pour que le lieu de culte puisse remplir ses nouvelles fonctions, des aménagements seront toutefois nécessaires, comme l’ajout de toilettes, de douches, de vestiaires et d’espaces de rangement. Ceux-ci seront réalisés dans une partie occupée par la sacristie ainsi que sous le jubé. Cela permettra de préserver la nef, où les bancs fixes seront remplacés par des sièges amovibles et où le plancher en linoléum cédera sa place à un revêtement permettant l’installation d’un plancher de danse amovible. Les travaux intérieurs seront menés à bien d’ici le printemps 2022 ; ceux qui doivent se faire à l’extérieur commenceront par la suite. L’organisme peut compter sur l’appui du Conseil du patrimoine religieux du Québec pour financer une partie de ces interventions.
Le Domaine Forget est porteur d’un projet rassembleur. En acquérant l’église de Saint-Irénée, il souhaite non seulement se doter de lieux de travail additionnels, mais aussi assurer la survie et la pérennité d’un bâtiment qui a façonné l’histoire de la communauté et qui demeure le cœur et l’âme du village. C’est l’idéal que l’organisme poursuit. ◆
Émile Gilbert est architecte en conservation patrimoniale et vice-président du conseil d’administration du Domaine Forget de Charlevoix.