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Église inspirée par l'église de Sainte-Monique-des-Monts
Source : Studio Chien d'Or

Église inspirée par l'église de Sainte-Monique-des-Monts | Source : Studio Chien d'Or

Le jeu de la fierté

Designer pour des compagnies de jeux vidéo et de réalité virtuelle, Olivier Leclair aspirait à se lancer dans une aventure plus personnelle. Depuis 2019, le fondateur du studio Chien d’Or travaille sur sa propre création, La vallée qui murmure. Une œuvre où il combine sa passion pour l’univers de l’horreur à son amour pour le Québec et son patrimoine.

« Après plusieurs années passées en entreprise, j’ai voulu alimenter mon portfolio avec un projet plus proche de mes intérêts, explique l’artiste, diplômé de l’Université de Montréal en design de jeu. Je pensais prendre quelques mois pour créer un petit jeu. Finalement, c’est devenu une aventure de plus de trois ans ! »

Son ludiciel amène le public en 1896 dans le village fictif de Sainte-Monique-des-Monts. Le décor donne aussitôt le ton. Un air lancinant trouble le silence de ces paysages vaporeux. « Côté narration, j’ai puisé dans ma passion pour la littérature, notamment celle d’horreur », confie-t-il. Ici et là se dressent des constructions ancestrales en bois dont les intérieurs en clair-obscur témoignent d’un évident souci du détail.

Représentation fidèle et réaliste

Dès le départ, M. Leclair souhaite créer un monde réaliste. Pour ce faire, il se plonge dans des archives, des encyclopédies et divers livres de référence. « Les ouvrages publiés par les Éditions de l’Homme dans les années 1970 et 1980 ainsi que le répertoire de l’historien Michel Lessard m’ont beaucoup aidé. La littérature est aussi d’une grande richesse quand on parle du patrimoine québécois. »

Le designer s’informe ainsi sur les caractéristiques des auberges, des maisons, des églises et des presbytères de la fin du XIXsiècle. Un bâtiment à la fois, il imagine et crée son village virtuel. « Ça m’a pris cinq mois pour concevoir le visuel, autant l’intérieur des lieux que l’environnement, précise-t-il. Encore aujourd’hui, je peaufine mes connaissances sur l’architecture ou sur la façon de vivre des habitants de l’époque, et je retouche constamment le jeu pour l’actualiser. »

Par exemple, il s’est procuré cet été Les moulins à eau de la vallée du Saint-Laurent, de Francine Adam-Villeneuve et Cyrille Fecteau, pour inventer le bâtiment montré dans son récit. « J’ai fait la même démarche pour la maison du chasseur et celle de l’apothicaire avec son jardin, raconte-t-il. Au magasin général, j’ai placé la poste en annexe, comme c’était souvent le cas à l’époque. J’ai intégré des détails authentiques, dont une ancienne machine à café. Au-dessus du bar trône une photo du premier ministre Honoré Mercier, décédé en 1894 ! »

Le décor illustre le patrimoine québécois, mais pas seulement. Le créateur a aussi voulu que l’intrigue témoigne de la culture d’ici. « La toile de fond est très québécoise. Dans ce lieu rural, le clergé gère les valeurs paroissiennes et s’immisce dans la vie privée des paysans. Le but du jeu est de découvrir le secret du village, lui-même lié au contexte historique. »

Un jeu pour tout le monde

En novembre 2021, Olivier Leclair a sorti sur la plateforme Steam Le murmureur, un prélude à La vallée qui murmure. « Ça se déroule dans un poste de traite avant même que le village ne soit construit, explique-t-il. En tant que voyageur de la Compagnie du Nord-Ouest, on cherche à savoir ce qu’il s’est passé avec les personnages qui hivernaient là. La créature qui rôde sur le territoire fait le lien entre les deux œuvres. »

Dès le lancement du produit, plusieurs adeptes chevronnés l’ont testé et commenté sur YouTube. Olivier Leclair s’est servi de leurs réactions pour améliorer la version définitive. « Je pouvais voir si les gens trouvaient facilement les réponses, si c’était simple de naviguer, etc. Ç’a vraiment été bénéfique pour mon travail. » Il prévoit aussi de distribuer sa seconde création à des professionnels du jeu vidéo afin d’obtenir leurs conseils.

Olivier Leclair peut compter sur l’aide de son collègue Pierre-Luc Girard, qui contribue notamment au marketing. Une campagne de sociofinancement lancée l’été dernier lui a permis de collecter un peu plus de 2400 $, ce qui démontre l’intérêt pour un jeu d’horreur 100 % québécois.

Avec La vallée qui murmure, l’artisan du divertissement numérique souhaite captiver le plus de personnes possible. C’est pour cette raison qu’il a choisi le style « pointer-cliquer » (point-and-click). « Je ne voulais pas m’adresser aux joueurs assidus, mais bien au grand public. On se sert seulement de la souris et de quelques touches du clavier. On clique là où on désire aller et on résout les énigmes. C’est simple et accessible », éclaircit-il.

Dimension culturelle assumée

À travers sa démarche, l’entrepreneur souhaite rendre plus accessible le patrimoine québécois. « On a un cinéma national, une chanson nationale… Pourquoi pas un jeu vidéo national pour faire valoir notre héritage au reste du monde ? »

La vallée qui murmure est en vente depuis le 30 novembre 2022. Olivier Leclair travaille déjà sur une éventuelle suite. Pour lui, c’est une mission identitaire autant qu’une réalisation professionnelle. « Le Québec possède une grande industrie du jeu vidéo, rappelle-t-il. Il faut l’utiliser pour souligner notre culture, notre langue, notre histoire et notre patrimoine. » ◆

 

Léa Villalba est journaliste indépendante.

Cet article est disponible dans :

Numéro anniversaire. Raconter le Québec

Hiver 2023 • Numéro 175

Le cœur à la fête

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