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Photo: Vincent Girard

Le visage agricole de Laval

Saviez-vous qu’on cultive toujours plusieurs terres sur le territoire de la ville de Laval ? Celui-ci possède une riche histoire agricole, et son patrimoine bâti en témoigne dignement. En voici un aperçu.

Laval, troisième ville la plus populeuse du Québec (437 413 habitants selon les chiffres de 2017), se situe au cœur de l’archipel de la communauté métropolitaine de Montréal. On associe souvent son paysage à celui des banlieues-dortoirs nord-américaines grandement asphaltées. Certains seront donc surpris d’apprendre que des champs utilisés pour l’agriculture occupent toujours 30 % du territoire de l’île Jésus, île principale du territoire lavallois.

Historiquement considérée comme le garde-manger de Montréal, Laval s’urbanise au cours du XXe siècle. Avec la modernisation de l'agriculture, le territoire voit disparaître certains des équipements qui faisaient partie de son paysage agricole. C’est pourquoi, à partir des années 1980, les terres agricoles lavalloises sont graduellement protégées en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, ce qui entraîne leur reconnaissance comme éléments de patrimoine local. Sur place, on s’adonne à la culture maraîchère et fruitière, à la production laitière et fromagère ainsi qu’à la serriculture (production en serre) ornementale.

Aujourd’hui, à une époque où on se préoccupe d’environnement et de consommation locale, on valorise la nature et l’agriculture. Laval n’échappe pas à cette tendance. La vision stratégique de la Ville s’intitule « Urbaine de nature » et son schéma d’aménagement du territoire met de l’avant la protection et la mise en valeur des paysages naturels et culturels ainsi que, par la même occasion, son patrimoine agricole.

 

Territoire agricole

Dès les débuts de la colonisation, l’île Jésus est utilisée à des fins agricoles et aménagée selon les principes du régime seigneurial français. Aujourd’hui, avec 7 000 hectares de terres agricoles, les différents quartiers de Laval comptent plus de 120 exploitations et plus de 50 kiosques accessibles au public.

Il faut mettre ce territoire en valeur de manière durable ! Depuis quelques années, la Ville s’y emploie par l’élaboration d'un Plan de développement de la zone agricole (PDZA).

Ce maillage entre nature, agriculture et patrimoine se trouve au cœur de la réalité de l’un des plus vieux quartiers lavallois, Saint-François. Situé à l’est de l’île Jésus, il a d’ailleurs accueilli la première paroisse du territoire, Saint-François-de-Sales, érigée canoniquement en 1721. Des terres agricoles se trouvent également dans l’ouest de l’île, mais le plus grand territoire de ce type se situe dans l’est. Notons qu’une bonne partie de Saint-François est encore à ce jour peu touchée par l’urbanisation et comprend une grande biodiversité. D’ailleurs, plusieurs des terrains cultivés figurent parmi les meilleures terres arables de la vallée du Saint-Laurent.

 

Patrimoine agricole bâti

Le patrimoine agricole bâti de Laval englobe tant les maisons anciennes loties sur les terres que les granges-étables, les silos et les caveaux à légumes. Les granges-étables ont la particularité de remplir deux fonctions principales : la partie étable héberge le bétail, et la partie grange accueille les récoltes. Certaines maisons de ferme sont même classées en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec.

Selon l’inventaire du patrimoine architectural terminé en 2018, le territoire de Laval compte plus de 25 bâtiments agricoles d’intérêt, dont 19 granges de différents types. Cet héritage se retrouve dans plusieurs quartiers : Duvernay, Auteuil, Saint-François, Sainte-Dorothée, Chomedey, Sainte-Rose et Fabreville, et certaines des constructions qui en font partie ont été intégrées, en 2019, à un Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) destiné aux bâtiments situés à l’extérieur d’un territoire patrimonial. Ce plan permet notamment de protéger et de mettre en valeur des secteurs ou des bâtiments patrimoniaux. Les édifices sélectionnés l’ont été en fonction de leurs qualités architecturales supérieures ainsi que de leur ancienneté. Quant aux bâtiments secondaires inclus à cette réglementation, ils sont généralement associés à une résidence d’intérêt patrimonial.

Ces constructions, reconnues pour leurs valeurs historiques et fonctionnelles, sont également protégées par un règlement de démolition. Ceci permet, entre autres, de préserver à la fois les bâtiments et les paysages agricoles de l’île Jésus. Ils constituent notre identité, et ce, même si le territoire s’est urbanisé et si de nombreuses terres agricoles ont disparu avec les temps. Laval est fière de préserver ces paysages qui témoignent de son histoire.

Fait particulier à noter, le territoire de Laval se distingue par ses granges-étables à toiture asymétrique. Ce type d’architecture se trouve ailleurs au Québec, mais pas dans toutes les régions. On connaît également ces bâtiments sous le nom de « saltbox », car leur facture formelle tire ses origines de la Nouvelle-Angleterre. Cette façon de construire a fait son apparition au Québec dès la deuxième moitié du XIXe siècle, mais elle s’est répandue au début du XXe siècle. La toiture asymétrique se distingue d’un toit à deux versants traditionnel, généralement plus commun dans le paysage québécois. Les granges-étables à toiture asymétrique arborent un toit à long versant à l’arrière du bâtiment et une pente plus courte et abrupte à l’avant. Ces constructions sont reconnues, entre autres, pour leurs valeurs architecturales et de position, c’est-à-dire le rapport d’un bâtiment avec l’environnement dans lequel il est situé. Elles représentent assez bien les paysages ruraux du Québec.

Bref, Laval possède un patrimoine agricole bâti riche et empreint d’histoire. Les terres agricoles et les granges-étables sont parmi les belles exceptions de l’île Jésus. Aujourd’hui encore, des familles fondatrices d’agriculteurs produisent avec fierté des produits frais pour le Québec. Autant dire que Laval regorge d’une nature et d’un héritage à (re)découvrir.

Cet article est disponible dans :

Granges anciennes. L'art de tenir debout

Été 2020 • Numéro 165

Des souliers qui font voyager dans le temps

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