RETOUR

Photo : Perry Mastrovito

Les fruits du passé

Nos ancêtres étaient-ils plus cenelles, gadelles ou raisins ? Tout dépend de l’époque à laquelle ils ont vécu, indiquent les analyses archéobotaniques réalisées au cours des 40 dernières années principalement à Québec et à Montréal. Entre les débuts de la colonie et le milieu du XIXe siècle, trois périodes se distinguent à l’égard de la consommation de fruits.

L’archéobotanique permet de déterminer l’utilisation des végétaux par les populations du passé, notamment en ce qui a trait à l’alimentation. En effet, pour en apprendre davantage sur la diète végétale et son évolution, l’analyse des graines, des céréales et des noix est de mise.

L’accumulation de données provenant de sites euroquébécois a permis de mettre en évidence les tendances de consommation de végétaux au cours des derniers siècles. On sait désormais que les changements alimentaires des populations urbaines de Québec et de Montréal, tous statuts sociaux confondus, ont de nombreuses similitudes.

Les fruits qui ont la cote

Qu’en est-il des fruits ? Au début de la colonisation, durant le XVIIe et le début du XVIIIsiècle, les espèces sauvages étaient très populaires. Dans les sites archéologiques, on observe les traces de plus d’une dizaine de petits fruits : fraises, cerises, prunes, cenelles, fruits des ronces (par exemple framboises et mûres), baies du sureau et des viornes…

Autre période, marquée par plusieurs changements démographiques, politiques et économiques : la fin du Régime français et le début du XIXsiècle. L’arrivée de la population anglophone est associée à une
diminution de la diversité des espèces sauvages consommées. Au fil des ans, les fruits de la viorne et du sureau, par exemple, sont remplacés par la gadelle qui devient très prisée, entre autres comme condiment. De plus, les proportions entre les espèces changent en faveur d’une augmentation des fruits cultivés, dont le raisin et la tomate. La courge et le melon sont davantage présents dans les sites archéologiques du XIXsiècle.

La dernière grande variation de l’apport en fruits (au sens botanique du terme) dans l’alimentation urbaine survient au milieu du XIXsiècle. La population met de côté la gadelle, alors que la tomate, le raisin et le concombre deviennent le trio remarqué dans presque tous les sites. Quant aux cerises, aux prunes et aux fruits des ronces, ils sont toujours très présents, leur abondance et leur variété variant peu entre les différentes époques.

Ces tendances claires et bien définies sont donc associées à des périodes circonscrites. Au point où, au Québec, les analyses archéobotaniques permettent parfois de raffiner la datation de certains contextes archéologiques. Comme quoi les fruits peuvent être utiles au-delà de leur valeur nutritive ! ◆

 

Anne-Marie Faucher est archéologue et archéobotaniste. Cette chronique est le fruit d’une collaboration avec Archéo-Québec.

 

Cet article est disponible dans :

Patrimoine moderne. À la défense du bungalow

Printemps 2023 • Numéro 176

Actualités patrimoniales | Printemps 2023

Article suivant

Cet article est gratuit !

Continuité vous offre gratuitement cet article. Vous aimez ? Abonnez-vous !

Je m’abonne !