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Les vrais enjeux des plans de conservation

En vigueur depuis octobre 2012, la Loi sur le patrimoine culturel exige la préparation et l’adoption d’un plan de conservation pour chacun des 12 sites du patrimoine déclarés au Québec. Cette démarche s’apparente actuellement à un état des lieux et à une liste de considérations pour leur conservation.

Récemment, Action patrimoine a assisté à la présentation des plans de conservation de Charlesbourg et de Beauport. Malgré le fait que nous ayons de sérieuses réserves quant à l’approche par les valeurs préconisée par le ministère de la Culture et des Communications (MCC) comme cadre théorique pour la gestion du patrimoine, il s’agit d’un travail valable, mais qui demeure à notre avis incomplet, dans la mesure où il passe à côté d’une question fondamentale : Comment ces secteurs protégés évolueront-ils dans la ville dans laquelle ils s’inscrivent ?

La préservation du patrimoine se limite-t-elle à une énumération d’orientations du MCC et d’obligations des parties en présence ? Nous croyons que non, et c’est ce que nous avions fait valoir dans notre mémoire sur le premier plan de conservation présenté en 2013, soit celui de Sillery. Il nous paraissait évident que son application ne résoudrait pas les problèmes observés auparavant – décisions au cas par cas, manque d’encadrement et d’arrimage aux décisions de la Ville –, et que les décisions seraient toujours sujettes à la pression du développement immobilier et des intérêts particuliers.

Dans leur état actuel, ces plans de conservation constituent des outils de gestion bien imparfaits.

Se doter d’une vision
Sans vision à long terme pour l’avenir de ces sites, les plans de conservation ne mènent nulle part. Les autorités devraient saisir l’occasion offerte par cette obligation pour élaborer une vision à long terme de l’évolution de ces territoires exceptionnels. Et ce travail doit se faire conjointement avec la Ville concernée.

Ces sites patrimoniaux déclarés s’inscrivent dans un milieu urbain en évolution. Les protéger comme s’ils se suffisaient à eux-mêmes, hors du contexte environnant, risque d’en réduire le sens à long terme. Isoler l’objet protégé de son contexte évolutif constitue une approche que les acteurs du patrimoine considèrent comme dépassée.

Les Municipalités concernées sont des acteurs de premier plan, puisque ce sont elles qui gèrent les règlements d’urbanisme. Pour l’instant, il ne semble pas exister de mécanisme pour concilier leurs obligations de gestion du territoire et la volonté ministérielle de conservation.

Parler d’une même voix, avec la même volonté sous-jacente, tombe sous le sens pour assurer une gestion saine des secteurs patrimoniaux.

Contrôler les transformations
Chacun des sites du patrimoine a été créé à l’origine pour ses qualités intrinsèques, foncièrement différentes de l’un à l’autre, et témoigne d’établissements humains propres à la culture québécoise. Connaître à fond les caractéristiques de ce patrimoine bâti et urbain commande des études détaillées. Cette connaissance est le terreau qui permet d’évaluer le potentiel de transformation de ces biens. Le contrôle des transformations demeure un enjeu capital pour maintenir l’identité des lieux. Les énoncés d’orientations n’ont pas le poids qu’on leur attribue s’ils ne s’inscrivent pas dans la réglementation en vigueur. De plus, il est spécifié à la fin du plan de conservation de Charlesbourg que « les orientations constituent un guide et ne s’imposent pas dans tous les cas ». Que comprendre, sinon que l’arbitraire aura toujours une place appréciable ?

L’appropriation des lieux et leur appréciation par le plus grand nombre sont également un enjeu dans la protection de ces sites. L’interrelation du site protégé avec les secteurs limitrophes, qui sont parfois en pleine expansion et subissent des pressions de développement, devrait être une préoccupation majeure dans l’établissement du plan de conservation. La proximité des lotissements urbains contemporains devrait être perçue comme une opportunité d’accroître la cohésion d’ensemble de la ville, plutôt que de l’amener à se développer en opposant l’ancien et le nouveau. Encore une fois, cette préoccupation ne peut s’exprimer que dans un dialogue fertile avec la Ville concernée.


Pour en savoir plus
Rendez-vous sur le site du Conseil du patrimoine culturel pour lire les documents et visionner les séances de consultation publique : cbcq.gouv.qc.ca.

Le plan à l’épreuve

Dans le site de Charlesbourg se trouve un garage municipal en voie d’être fermé et démembré. À l’instar des citoyens du site du patrimoine de Charlesbourg, nous nous demandons comment seront appliquées les orientations du plan dans la réhabilitation de ce terrain. Quels seront les critères prévalents ? Comment s’assurer que, le cas échéant, toute nouvelle construction viendra enrichir le secteur patrimonial et non le dénaturer ?

Le cas de Beauport

La consultation publique sur le plan de conservation de Beauport a permis aux citoyens de soulever certaines inquiétudes. Parmi elles, la protection des percées visuelles menacées par l’érection de bâtiments à plus forte densité et dénués de style à proximité de la zone protégée. L’état de dégradation de certaines propriétés dans le site inquiète aussi. Des mesures financières accrues compenseront-elles en partie l’effort d’entretien demandé aux propriétaires de maisons anciennes situées dans les sites du patrimoine ? Nous croyons que la fiscalité offre des opportunités encore inexplorées par le MCC.

Cet article est disponible dans :

Le patrimoine, source d'inspiration. Passé recomposé

Hiver 2015 • Numéro 143

L’heure de la recréation

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