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Action patrimoine

Mieux recenser le patrimoine bâti

Action patrimoine publiera sous peu un état des lieux sur les données d’inventaire du patrimoine bâti au Québec. Cette initiative permet de répondre à des questions cruciales alors que les MRC doivent désormais inventorier leur legs architectural.

La Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d’autres dispositions législatives a apporté plusieurs changements qui touchent le milieu municipal. Adoptée le 25 mars 2021, elle oblige notamment les municipalités régionales de comté (MRC) à réaliser un inventaire de leur patrimoine immobilier au cours des cinq prochaines années.

Dans ce contexte, des questions cruciales se posent. Quelle est la réalité sur le terrain ? Combien de MRC satisfont déjà à l’exigence de la Loi ? De quels outils les autres ont-elles besoin pour mener à bien cette démarche ?

Jusqu’à maintenant, il existait peu d’informations sur la façon dont les inventaires du patrimoine bâti au Québec étaient réalisés et sur les données qu’ils contenaient. En juin 2020, le rapport de la Vérificatrice générale du Québec (VGQ) sur la sauvegarde et la valorisation du patrimoine immobilier soulignait d’ailleurs « le portrait incomplet et la qualité variable » des inventaires  dressés au Québec.

Pour pallier ce manque, Action patrimoine a lancé en mars 2021 le projet État des lieux sur les données d’inventaire du patrimoine bâti au Québec. Réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Québec, il a plusieurs objectifs. D’abord, établir un portrait à jour des données d’inventaire du patrimoine bâti dans la province. Ensuite, savoir comment ces répertoires sont utilisés par les MRC à l’interne et diffusés à l’externe. Enfin, explorer la mise en valeur numérique des renseignements qu’ils contiennent.

 

Un, deux, trois, lumière!

Cette opération d’envergure est menée en trois temps. Première phase, l’équipe responsable du projet crée un questionnaire Web étoffé. Elle l’envoie aux MRC, aux municipalités et aux conseils de bande, qui sont invités à le remplir afin de recueillir des données à jour. Dès la semaine suivant l’envoi, l’engouement du milieu est palpable. Cet intérêt démontre la pertinence d’une initiative qui arrive à point nommé.

Au total, 250 questionnaires sont remplis. Ils contiennent de riches informations. Par exemple, 67 % des répondants possèdent un ou plusieurs inventaires, mais sans les mettre à jour pour la plupart, ou alors seulement lorsque c’est nécessaire. Voilà qui est logique, puisque la majorité des intervenants municipaux emploient des consultants ou des firmes en patrimoine pour réaliser le dénombrement de leurs bâtiments de valeur, ce qui ne permet pas de mises à jour régulières.

Par ailleurs, 56 % des répondants n’ont pas intégré leur inventaire au Répertoire du patrimoine culturel du Québec (RPCQ) ou ne savent pas s’ils l’ont fait. Les principaux utilisateurs du document sont l’équipe interne (37 %), les citoyens (21 %) et les propriétaires de bâtiments (20 %). Les inventaires sont majoritairement en format PDF (32 %) et en version papier (30 %). Enfin, deux contraintes nuisent à leur diffusion en ligne : des données non actualisées ainsi que le manque de ressources humaines et financières.

Échanger de vive voix

La seconde phase du projet, bonifiée grâce aux réponses et aux observations fournies dans les questionnaires, consiste en cinq activités proposées à qui désirait poursuivre la démarche parmi les répondants. Il s’agit d’un webinaire sur la culture des données et de quatre ateliers virtuels. Deux portent sur l’utilisation des données à l’intérieur d’une organisation et deux sur leur diffusion à l’externe.

Ces rencontres se révèlent particulièrement pertinentes parce qu’elles lancent la discussion avec les intervenants du milieu municipal. Elles permettent aux participants de s’exprimer sur leurs appréhensions, leurs défis et leurs questionnements en lien avec la réalisation de leurs inventaires. Ces échanges sont aussi une occasion pour l’équipe d’Action patrimoine de mieux comprendre leur réalité, notamment leurs inquiétudes quant à l’uniformisation des inventaires, la sensibilité de certaines données ou le manque de connaissances liées aux informations à recueillir.

Bref, les deux premières phases permettent de faire ressortir les enjeux, les défis et les pistes de solution qui nourriront la production d’un état des lieux. Sa rédaction et sa publication en version numérique constituent l’étape finale du projet. Parmi les éléments qu’il met en lumière, nommons l’importance de la formation et de la vulgarisation de ce qu’est le patrimoine bâti. Également, la nécessité de statuer sur la manière de traiter, d’utiliser et de diffuser les données d’inventaire. Une uniformisation et une cohérence dans la façon d’inventorier permettrait de meilleurs échanges et une utilisation optimale des renseignements recueillis.

Il est à noter que, tout au long de l’expérience, l’équipe a jugé primordial de favoriser les pistes de solution constructives et de faire preuve de transparence auprès des participants. C’est pourquoi elle a vulgarisé son processus professionnel, créatif et technique par des articles sur le site Web d’Action patrimoine. Elle a également réalisé de multiples suivis afin de s’assurer de la compréhension de tous.

L’organisme a reçu plusieurs commentaires positifs sur la pertinence de sa démarche. Les intervenants du milieu municipal ont hautement apprécié l’idée d’une discussion ouverte avec eux. Leur participation active au webinaire et aux ateliers suggère un besoin pressant de vulgariser la culture des données numériques et de poser des balises claires pour faciliter la mise en place d’inventaires du patrimoine bâti au Québec. L’État des lieux sur les données d’inventaire du patrimoine bâti au Québec constitue un premier pas dans cette direction.  ◆

Cet article est disponible dans :

Patrimoine habité. J'adopte une maison d'antan

Printemps 2022 • Numéro 172

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