MRC de Coaticook: Du bois et du style
Jean-Pierre Pelletier, Enseignant au Centre universitaire de formation en environnement de l'université de Sherbrooke
Influencés par les techniques qui avaient cours en Nouvelle-Angleterre, les bâtiments de la MRC de Coaticook ont aussi tiré profit d’une richesse locale : le bois. Aux côtés de cette architecture vernaculaire se démarquent des résidences reflétant la fortune et le goût de l’élite politique et financière.
Pas besoin de sillonner plusieurs rues et rangs pour constater que la majorité des maisons, granges et églises protestantes de la région sont presque 100 % bois. Les nombreux moulins à scie installés un peu partout dans les Cantons-de-l’Est au moment de la colonisation facilitaient l’accès aux planches et, par extension, la construction des divers bâtiments. Le bois a servi pour leur charpente, mais aussi pour leur recouvrement, dont le plus commun est la planche à clin, parfois appelée planche à déclin ou clapboard. Relativement étroites, ces planches de bois sont disposées à l’horizontale, de sorte que le haut de la planche inférieure est recouvert par le bas de la planche supérieure. Appliquée sur une ossature de poutres et de piliers de bois, cette technique rendait l’ensemble rigide et contreventé.
Après 1860, l’industrialisation du sciage de bois de construction a favorisé la charpente à claire-voie (dite balloon frame), plus simple et moins coûteuse : les éléments étaient fabriqués en série par une main-d’œuvre non spécialisée. Après s’être développé aux États-Unis dans la première partie du XIXe siècle, ce type de charpente s’est imposé dans la MRC de Coaticook dès le milieu du siècle.
Ici comme ailleurs, dans la seconde moitié du XXe siècle, plusieurs façades ont été recouvertes de revêtements en aluminium ou en PVC. Néanmoins, les villages et les quartiers des villes ont généralement conservé une assez grande homogénéité architecturale.
Résidences d’exception
Les rues de Coaticook comptent quelques bâtiments exceptionnels qui témoignent des goûts et de la richesse de l’élite financière et politique.
Parmi eux, la maison Cutting (40, rue Gérin-Lajoie, à Coaticook). Construite vers 1852, elle a d’abord appartenu aux Cutting, puis à la famille Gérin, qui en a pris possession en 1899 et l’habite encore. Avec son ornementation extravagante des rives du toit, ses pilastres d’angle au décor ouvragé et sa balustrade sur pilastres surplombant l’entrée principale, elle se fait remarquer. La dentelle de bois témoigne de la maîtrise du menuisier et illustre l’influence du courant pittoresque.
Flanquée d’élégantes colonnes d’influence ionique et dorique qui s’élancent vers le ciel, la façade de la maison Thompson-Sheard (50, rue de l’Union, à Coaticook) se démarque par son imposant fronton. Les impostes et les fenêtres latérales surmontées d’un arc surbaissé contribuent à la monumentalité de cet édifice bâti en 1853 pour le capitaine James Thompson, premier douanier à Coaticook. Des politiciens et hommes d’affaires (Charles Lovell, Guy Tillotson, Henri Gérin, George Sheard) ont également habité cette demeure.
Le château Arthur-Osmore-Norton (96, rue de l’Union, à Coaticook), érigé en 1912, témoigne de plusieurs influences architecturales, dont les plus évidentes sont le style néo-Queen Anne et le Shingle style. Fréquent dans l’architecture de villégiature de l’époque, cet éclectisme évoque la réussite du premier propriétaire du château, un industriel qui a fait fortune en produisant et en commercialisant un cric à roulement à billes pour les locomotives. Une fenestration abondante découpe la masse imposante du bâtiment, alors que les cheminées de pierre jouent de contraste avec le recouvrement de bois.
Beaucoup d’autres résidences d’exception émaillent les rues de la MRC de Coaticook. On peut partir à leur recherche et mieux les connaître grâce aux six Circuits découverte de la MRC (circuitsdecouvertecoaticook.org).