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Noël en cadeau

Avec son impressionnante collection de boules de verre, de sapins, d’anges et de pères Noël, Claude Davis a abondamment cultivé l’esprit des Fêtes d’antan. Grâce à sa généreuse donation au Musée de la civilisation, des milliers d’ornements enjolivent notre héritage national.

Photo: Idra Labrie – Perspective, MCQ

Fin de février 1992, Claude Davis, collectionneur passionné, contacte le Musée de la civilisation afin de lui offrir une partie de la collection qu’il enrichit depuis de nombreuses années. À sa première rencontre avec les conservateurs du musée, il est impatient et fébrile. Il les accueille dans son appartement de la rue Saint-Pierre, à Québec, heureux de leur montrer les sapins de Noël qui enjolivent son intérieur depuis quatre mois. Dans un coin du salon, il a regroupé cinq arbres décorés d’ornements anciens et contemporains. De l’autre côté de la pièce se trouvent trois plus petits sapins, dont deux en plumes. Des décorations parent aussi les grandes fenêtres, les meubles du salon, la chambre à coucher et l’entrée. Le décor est chargé, certes, mais équilibré, et prédispose au temps des Fêtes… même s’il est passé.

Durant la visite, Claude Davis raconte que c’est vers l’âge de 16 ans qu’il a développé son goût pour les décorations de Noël. La tradition familiale voulait alors qu’elles soient installées vers la deuxième semaine de décembre. Il aidait sa mère à orner le sapin qui trônait au salon, et prenait particulièrement plaisir à aménager la crèche et le village miniature.

Le chemin le moins fréquenté
La grande aventure commence vers 1978, alors qu’il est au début de la quarantaine. Afin de contrer la grisaille de l’automne et de prolonger le temps des Fêtes, il décide de monter trois sapins de Noël dans son salon au début de novembre. Les premières décorations qu’il acquiert ressemblent à celles qui habillaient jadis l’arbre de ses parents. De formes et de tailles variées, ces ornements de verre aux couleurs chatoyantes sont typiques des productions industrielles allemande, américaine, polonaise et japonaise de l’après-guerre. Claude Davis est alors l’un des rares collectionneurs à s’aventurer dans cette branche. Le champ étant pratiquement vierge, il trouve facilement des objets. Il arpente la rue Saint-Paul à Québec et devient vite le principal client des antiquaires qui y tiennent boutique.

Il accumule boules de verre, anges, pères Noël et autres décorations. Ses recherches l’amènent à s’intéresser à des objets de différentes époques. Il découvre dans les collections laissées par sa mère des ornements plus anciens, dont certains fabriqués à la main à partir de papier crépon et de petites images polychromes imprimées appelées chromolithographies. Cette trouvaille donnera le coup d’envoi à une recherche intensive d’ornements de Noël du XIXe siècle, période que Claude Davis affectionne particulièrement. Il fut d’ailleurs l’un des premiers au Québec à acquérir une boule d’origine allemande appelée Kugel. Selon la tradition orale, ces boules en verre soufflé, dont l’intérieur était argenté tel un miroir, étaient accrochées au plafond toute l’année près de la porte d’entrée. Elles permettaient d’identifier le visiteur qui arrivait. Si on apercevait son reflet sur la face de la sphère, c’était un humain ; sinon, il s’agissait d’un esprit mauvais et on lui fermait la porte au nez. Ce n’est que vers le milieu du XIXe siècle que la Kugel devient un ornement de sapin, en version allégée et souvent en forme de grappe de raisins.

Verre, plumes, chenille
De 1992 à 2010, la collection Claude Davis s’est enrichie de plus de 4600 pièces. En 19 ans, il a fait 24 donations au Musée de la civilisation. Il connaissait sa collection par cœur, ce qui lui permettait d’éviter les doublons. Les sapins, les ornements en verre et en chenille ainsi que les chromolithographies comptaient parmi ses objets favoris.

Il parlait abondamment de l’histoire du sapin de Noël, qui serait apparu lors de représentations théâtrales au Moyen Âge. Il était attiré par les arbres artificiels qui lui offraient la possibilité d’exposer ses ornements de novembre à février. Il collectionnait les sapins en plumes, dont la production, d’abord allemande, s’est étendue de la fin du XIXe siècle jusque vers 1950. Le plus souvent teints en vert, ces sapins étaient confectionnés de plumes de dinde ou d’oie. Leur hauteur variait de 30 à 120 cm, mais certains sapins en plumes d’autruche pouvaient atteindre 180 cm.

Les objets en verre constituent plus de 60 % de la collection Claude Davis. Leur brillance, la variété de leurs formes et la vivacité de leurs couleurs sont leurs principales qualités. Couvrant plus de 100 ans de production, ces objets proviennent de différents pays dont l’Allemagne, l’Autriche, le Japon, la Pologne, la Tchécoslovaquie, les États-Unis, le Canada, l’Italie et, plus rarement, la Russie et la Colombie. D’origine allemande, les plus anciennes pièces datent de la fin du XIXe siècle.

Quant aux décorations en chenille, elles ont emprunté aux uniformes militaires français et italiens du XVIe siècle, qu’on décorait d’ornements en chenille métallique dorée. C’est au XIXe siècle seulement que ce matériau a été employé pour fabriquer des guirlandes destinées à décorer les sapins. Ces guirlandes seront confectionnées en différents matériaux, dont le coton effet velours vers 1930. Claude Davis a non seulement déniché des guirlandes en chenille, mais aussi des pères Noël, des couronnes de fleurs de poinsettia et quelques décorations combinant boules de verre, chromolithographies et chenille métallique. Produits de la fin de l’époque victorienne jusque vers 1925, les ornements en chenille ont été fort populaires en raison de leur résistance, de leur beauté et de leur faible coût.

L’heure de la reconnaissance
À la fin des années 1990, Claude Davis est devenu une référence pour de jeunes collectionneurs de Québec qui suivaient religieusement ses pas. Ils se rencontraient une fois l’an afin de constater l’évolution de leurs collections respectives ; Claude orientait leurs recherches et leur offrait gratuitement ses conseils. Le marché de Québec devenait alors plus difficile, les pièces uniques étaient introuvables et les collectionneurs se rendaient souvent aux États-Unis et en Europe pour débusquer la perle rare.

Pendant les 19 ans où il a offert des objets au Musée de la civilisation, Claude Davis a toujours essayé d’acquérir des pièces de différents producteurs, matériaux, époques et thématiques. Il s’est concentré sur Noël et le Nouvel An, mais a acquis à l’occasion des objets illustrant les fêtes de l’Halloween et de Pâques.

Durant cette période, le fervent collectionneur a participé au montage de toutes les expositions du temps des Fêtes préparées par le musée et présentées à la Maison Chevalier, au Musée de la place Royale et au Musée de la civilisation. Des pièces de sa collection ont aussi servi pour des expositions au ministère de la Culture et des Communications et au Musée Pierre-Boucher de Trois-Rivières. Ses objets figurent également dans de nombreuses publications, dont celles de Michel Lessard (Objets anciens du Québec. Vie sociale et culturelle, Antiquités du Québec) et de Sylvie Blais et Pierre Lahoud (La fête de Noël au Québec). Reconnue comme la plus importante collection publique du genre au Canada, sa collection a été présentée à la télévision à maintes reprises, entre autres à l’émission spéciale Portes ouvertes, diffusée au Canal Savoir en 2009.

La dernière donation a été effectuée en 2010 par la famille de Claude Davis, décédé à 74 ans, le 10 décembre 2009. Juste avant un autre Noël…

Cet article est disponible dans :

Collections. Mémoire en séries

Hiver 2014 • Numéro 139

La valeur du collectionneur

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