Parutions récentes en patrimoine | Été 2024
Brigitte Trudel, Journaliste indépendante et auteure
Ensemble, c’est mieux ?
Comment était perçu le Canada à naître par les provinces de l’Amérique du Nord britannique avant leur entrée dans la Confédération, en 1867 ? Pour répondre à cette question, l’historienne Anne Trépanier a épluché les archives des journaux satiriques de l’époque pour en extraire les textes et les caricatures traitant du sujet. Rester séparés ou former ensemble une nation ? De l’hydre au castor relate les visions distinctes qu’avaient alors la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Canada-Est (Québec) et le Canada-Ouest (Ontario). L’exercice permet de constater qu’un retour dans le passé n’est jamais inutile pour mieux comprendre le présent.
→ Septentrion, 2024, 276 pages, 39,95 $
Ménages de Nouvelle-France
Cet ouvrage fort bien documenté offre un regard fascinant et sans artifices sur la vie familiale en Nouvelle-France aux débuts de la colonie. À quel âge se terminait l’enfance ? Comment se formaient les couples ? Quelles étaient les conditions de la vieillesse ? Quelle place tenait la religion dans l’organisation sociale ? Dans La vie familiale dans la vallée du Saint-Laurent, l’historienne Marie-Aimée Cliche raconte les punitions corporelles, le dur labeur, les accouchements répétés, les disettes, les clivages hiérarchiques… Mais aussi, elle illustre la solidarité et l’entraide au temps où l’obéissance, au roi et à Dieu, était le fondement de tout.
→ Presses de l’Université Laval, 2024, 538 pages, 49 $
Où est Champlain ?
Près de 390 ans après la mort de Samuel de Champlain, un jour de Noël, son lieu de sépulture continue d’intriguer. Où donc repose le fondateur de Québec ? Cette question, objet de légendes et de spéculations, a fait couler beaucoup d’encre. Dans son livre La chapelle Champlain, Richard Couture soulève de nouvelles hypothèses pour y répondre. Son ouvrage se présente un peu comme une enquête chronologique avec, à l’appui, cartes, détails historiques, photos et documents d’archives. La démarche de l’auteur fascinera les archéologues, les amateurs d’histoire et tous les curieux.
→ Éditions GID, 2024, 252 pages, 34,95 $
Des paysages à notre image
Dans L’esprit, la forme et la mémoire. Construire le patrimoine urbain, l’historienne d’architecture Lucie K. Morisset met à jour 22 textes qu’elle a écrits entre 1995 et 2021. Leur thème commun ? Ce qui lie les collectivités à leur environnement bâti. Avec quelles intentions construit-on les lieux qui accueillent les humains ? De la station de ski du Mont-Tremblant aux pavés de la place Royale, en passant par les bungalows d’Arvida, l’auteure nous offre un vaste tour d’horizon. Elle en profite pour se pencher sur l’organisation de plusieurs paysages, du Québec surtout, mais parfois d’ailleurs. Plans, cartes et photos illustrent abondamment ses propos.
→ Presses de l’Université du Québec, 2024, 640 pages, 59 $
Derniers nomades sur la Côte-Nord
Ce touchant ouvrage de Serge Jauvin respire la reconnaissance et le désir de rendre hommage. Photographe, il commençait dans le métier quand, au début des années 1980, il a passé près d’un an chez les Innus d’Unamen Shipu (La Romaine) dans la famille d’Hélène et de William-Mathieu Mark. L’auteur éprouve encore un profond attachement pour ses hôtes et leur communauté. Dans Aitnanipan, il raconte, sous forme de journal, la pêche, la chasse et autres activités quotidiennes réalisées au gré des saisons durant son séjour. Ses photos prises là-bas dégagent autant d’humanité que son récit. Le tout constitue un précieux témoignage de ce qu’était la vie pour ces derniers nomades de la Côte-Nord.
→ Septentrion, 2024, 450 pages, 60 $
Traité de sagesse inuite
Publié sous la direction de Jrène Rahm et de Shirley Tagalik, Inuit Qaujimajatuqangit : ce que les Inuits savent depuis toujours réunit les témoignages de personnes aînées de cette communauté. L’ouvrage se lit comme un traité de sagesse. On y découvre une vision du monde à la fois différente et nourrissante, trop peu célébrée. Éducation, développement personnel, vie amoureuse et familiale, deuil et solidarité sont autant de thèmes évoqués à la lumière de récits très personnels. Il est aussi question du lien avec les autres êtres vivants et avec l’environnement, dans une perspective éclairante sur la notion de bien commun.
→ Presses de l’Université du Québec, 2024, 324 pages, 43 $
50 ans de coudes serrés
Le livre Bâtisseuses : 50 ans d’engagement des femmes du Centre-Sud découle de l’exposition du même titre soulignant les 50 ans du Comité social Centre-Sud et du Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal. Au fil des pages, on s’attarde au parcours et à la parole des militantes engagées qui ont porté la cause de ces organismes pionniers du mouvement communautaire. L’histoire de leurs luttes rappelle les grands enjeux qui ont marqué ce quartier montréalais de l’est du centre-ville. Dans ces lignes et les photos qui les accompagnent transparaissent beaucoup de volonté, de solidarité et d’espoir.
→ Écomusée du fier monde, 2024, 40 pages, 10 $
Le pouvoir des mailles
Ce livre singulier se construit comme une œuvre textile faite main, à l’instar du tricot et de la dentelle qu’il explore comme objets de création et de revendication. Tricoteuses et dentellières nous entraîne dans le rapport qu’une dizaine de femmes artistes entretiennent avec ces techniques séculaires, bien ancrées dans leur vie. Parmi elles, Perrine Leblanc, Catherine Voyer-Léger et Audrée Wilhelmy (porte-parole de Continuité). Maille après maille, images intimistes à l’appui, toutes se confient sur leur pratique des travaux d’aiguille ou de crochet et sur la signification qu’elles leur attribuent. De l’art de rue au geste écologique, leurs ouvrages vont bien au-delà d’un simple passe-temps aux saveurs d’autrefois.
→ Marchand de feuilles, 2024, 256 pages, 29,95 $
Enfin vues et reconnues
Les filles de Jeanne. Histoires de vies anonymes, 1658-1915 est une saga historique ancrée dans l’ordinaire. Le récit met en scène 10 générations de femmes sur 3 siècles. On y suit le parcours de Jeanne, arrivée de France comme engagée domestique, puis de ses descendantes. Ces grands-mères, filles et petites-filles ont existé sans être connues. L’historienne Andrée Lévesque remonte leurs destins tout simples sur la base d’archives, de contrats notariés, de recensements. À ce canevas s’ajoutent les connaissances de l’auteure sur le contexte de l’époque, agrémentées d’un brin d’invention. Derrière ces anonymes, qui n’en sont plus, c’est tout un univers social et personnel que l’on découvre.
→ Les éditions du remue-ménage, 2024, 248 pages, 23,95 $
Une histoire inclassable
Entre notre milieu d’origine et notre existence actuelle, il y a parfois un monde. C’est à ce gouffre que s’attarde le sociologue et animateur Jean-Philippe Pleau dans Rue Duplessis. Ma petite noirceur. Par une série de souvenirs puisés dans son enfance comme dans sa vie adulte, il traite de fossés entre classes sociales, de honte, de pauvreté, d’émancipation. En parcourant ses fragments de réflexion, construits autour de sa relation avec ses parents, on devine le besoin de donner un sens à une complexe filiation et de s’apaiser, peut-être. L’ouvrage, que l’auteur désigne comme un « roman (mettons) », est surtout un récit à saveur personnelle. Plusieurs s’y retrouveront sans doute.
→ Lux éditeur, 2024, 328 pages, 29,95 $