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Source: Musée McCord

Quand le R-100 vole… la vedette

« Tout l’monde parle de l’R-100 », dit La Bolduc dans une de ses chansons. De fait, peu d’événements dans l’histoire du Québec ont connu un retentissement comparable à celui de la venue de ce dirigeable à l’aéroport de Saint-Hubert, en 1930. En plus de fasciner la presse internationale, l’appareil révolutionnaire attire entre 600 000 et 1 million de visiteurs !

Parti de Cardington, au Royaume-Uni, le 28 juillet 1930, le R-100, piloté par le capitaine Ralph Sleigh Booth, arrive à Saint-Hubert le 1er août, après 78 heures et 49 minutes de voyage. Un périple qui n’est pas de tout repos. En effet, le dirigeable rencontre une violente tempête au-dessus de l’île d’Anticosti, ce qui provoque des déchirures à certains endroits de son enveloppe extérieure. Heureusement, le responsable de la maintenance a mis quelques mètres de toile de côté, au cas où. On effectue donc aussitôt des réparations temporaires. Mais au-dessus de Trois-Rivières, une seconde tempête cause des dommages encore plus importants. On décide alors d’attendre d’arriver à Saint-Hubert pour intervenir. C’est la Vickers Montréal qui se charge de réparer les dégâts. Des morceaux de toile abîmée sont jetés au sol au cours de l’opération. Plusieurs passants récupèrent ces précieux souvenirs.

Conçu par Neville Barnes Willis et fabriqué à Howden dans le comté du Yorkshire en Angleterre par la Airship Guarantee Company, une filiale de la Vickers, le R-100 mesure 219 m de long pour un diamètre de 40,64 m. Il est trois fois plus long qu’un 747, pour le double de son diamètre ! Une toile de lin enduite d’une peinture d’aluminium recouvre sa structure en duralium. Cet alliage à base d’aluminium, de cuivre, de magnésium et de manganèse est aussi résistant que l’acier, mais beaucoup plus léger. Le dirigeable est doté de trois nacelles motrices contenant chacune deux moteurs Rolls-Royce de 650 chevaux. Surnommé « le Titanic du ciel », il offre un intérieur très luxueux, notamment une salle à manger qui n’a rien à envier à un grand restaurant. Par contre, il ne possède pas de cabines privées, mais des dortoirs de 2 à 6 personnes, séparés par de simples rideaux de toile.

Pour accueillir le R-100, il faut d’abord ériger un mât d’amarrage à l’aéroport de Saint-Hubert. C’est la Canadian Vickers qui le construit, entre 1928 à 1930, sous la direction d’Henri Rocheleau. Avec une hauteur de 60 m, la tour est alors la plus haute du monde ! À sa base se trouve un édifice de deux étages, avec salle d’attente, douanes, poste radio sans fil et station météo. À son sommet, un bras télescopique de plus de 15 tonnes peut s’étirer jusqu’à 2 m pour se fixer au bout du nez du dirigeable. Une fois ancré, ce dernier peut faire un tour de 360 degrés. Sur la plateforme des passagers, un escalier amovible s’ajuste à la position de l’appareil et un ascenseur fermé relie la passerelle à la base du mât.

Après 13 jours de festivités, le R-100 quitte l’aéroport de Saint-Hubert le 13 août vers 21 h 30. La tour d’amarrage sert pour la dernière fois. Puis, l’écrasement du R-101, en octobre 1930, soulève plusieurs questions quant à la sécurité des dirigeables. En mai 1931, la Chambre des communes britannique choisit d’abonner le projet. Après des investissements de 30 millions de dollars américains (500 millions en dollars américains d’aujourd’hui), le géant du ciel est démantelé et vendu pour la ferraille. En 1938, la tour d’amarrage de l’aéroport de Saint-Hubert est démolie et le treuil, vendu à l’encan. Voilà qui marque la fin d’une belle aventure…

Cet article est disponible dans :

Patrimoine et aviation. À la conquête du territoire

Automne 2019 • Numéro 162

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