Sur la route
Josiane Ouellet, rédactrice en chef du magazine Continuité
Au Québec, maisons d’écrivain, musées, circuits, sentier se consacrent à une noble cause : mettre en valeur des auteurs, des écrits, des façons de voir et de vivre le monde. Suggestions de visites de lieux où résonnent toujours les mots de notre littérature.
En 2000, on dénombrait 276 lieux de mémoire littéraire au Québec (dont certains liés à des journalistes et à des écrivains s’étant illustrés comme politiciens), selon le rapport de l’historien Alain Roy La mise en mémoire du patrimoine immobilier dans les domaines de la vie culturelle et de la vie politique au Québec. Bilan et pistes d’action. Seulement 16 étaient ouverts au public, et ils n’offraient pas tous des activités d’interprétation en lien avec la personnalité concernée. Aujourd’hui encore, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir en ce qui concerne la valorisation de notre patrimoine littéraire. N’empêche, voici quelques lieux qui s’y consacrent avec foi et passion.
Le Sentier poétique de Saint-Venant-de-Paquette
Le Sentier poétique de Saint-Venant-de-Paquette, en Estrie, est né de l’initiative de l’auteur-compositeur-interprète Richard Séguin. Désireux d’exposer au public des poèmes trop peu fréquentés, il a vu dans le paysage des Cantons-de-l’Est, sa région d’adoption, un écrin de choix pour les mots. Bientôt, l’idée d’intégrer la poésie à des jardins s’est imposée. « Il n’était surtout pas question de tenter de peindre le poème exposé en jardin, précise Guy Laliberté de l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, associé au projet. Nous avons plutôt convenu de mettre en valeur les ressources naturelles du paysage. » Résultat : un parcours de 3 km en terrain boisé, ponctué de 11 sites d’interprétation consacrés à des poètes québécois et à quelques-unes de leurs œuvres. « Les poèmes sont vivants, commente Richard Séguin. Ce qui me fascine, c’est d’observer à quel point les noms des poètes deviennent familiers. Lorsqu’on se donne rendez-vous au site Gaston Miron, Marie Uguay ou Michel Garneau, ces noms sont liés à un visage, à des mots, à des façons de dire la vie. »
Les différents jardins d’accompagnement ont été réalisés à partir de matériaux de la région (bois, pierre, métal agricole usé) et sont agrémentés de sculptures de Roger Nadeau, réalisées à partir de ces pierres qu’on devait autrefois sortir des champs chaque année. « Ces pierres sont maintenant debout, élevées au rang d’œuvres d’art, indique Guy Laliberté. Il faut voir la fierté des gens qui nous informent régulièrement de leurs découvertes. La chasse aux pierres est devenue une activité reconnue au village ! » Près de la moitié des villageois s’impliquent dans l’entretien et l’animation des jardins et des sites. « Ça démontre qu’on peut encore réaliser de grandes corvées communautaires dans le monde rural québécois », conclut-il à propos de ce projet rassembleur.
Info : 819 658-9050 ou amisdupatrimoine.qc.ca
Musée Honoré-Mercier
Aménagé dans la maison natale d’Honoré Mercier, au 927, route 133 à Sainte-Anne-de-Sabrevois en Montérégie, le Musée Honoré-Mercier s’intéresse à la vie et à l’engagement politique de cet avocat et journaliste qui fut premier ministre du Québec de 1887 à 1891. On y découvre son histoire au gré d’un diaporama, d’objets lui ayant appartenu et de visites commentées.
Info : 450 347-0066
Médiathèque littéraire Gaëtan Dostie
Sise dans une résidence construite en 1845 par Antoine-Olivier Berthelet, au 1214, rue de la Montagne à Montréal, la Médiathèque littéraire Gaëtan Dostie a pour mission de sauvegarder et de diffuser une collection amorcée en 1956. Son objectif : refléter chacune des communautés françaises d’Amérique. Elle abrite environ 20 000 imprimés, des manuscrits, des photos, des archives multimédias et des vidéos de plus de 500 écrivains captées depuis 1976. Quelque 400 œuvres sont présentées dans la section musée, où l’exposition « Naissance de la littérature québécoise, 1830-1970 » nous transporte du premier imprimé littéraire à Montréal jusqu’à la Nuit de la poésie.
Info : 514 861-0880 ou mlgd.ca
Maison natale de Louis Fréchette
Au 4385, rue Saint-Laurent à Lévis se trouve la Maison natale de Louis Fréchette, auteur de La légende d’un peuple (1887). Érigée par le père du poète entre 1837 et 1841, la modeste demeure a conservé plusieurs de ses éléments d’origine (portes, lambris de plafond, moulures). Au cours des prochains mois, la résidence fera l’objet d’importants travaux de restauration, histoire d’être fin prête pour célébrer son 175e anniversaire en 2014. C’est aussi à ce moment qu’ouvrira son centre d’interprétation. En attendant, un guide sera présent cet été pour donner de l’information sur la maison, expliquer le projet et les travaux.
Info : 418 837-4174 ou maisonfrechette.com
Espace Félix-Leclerc
Vu l’attachement particulier de Félix-Leclerc pour l’île d’Orléans (il y est d’ailleurs décédé), il allait de soi d’y établir un espace consacré à sa vie et à son œuvre. Dans le fenil d’un bâtiment aux allures de grange, au 682, chemin Royal à Saint-Pierre, une exposition permanente fait découvrir le poète, au gré d’archives sonores, de livres et de films. S’y trouve également un centre de documentation regroupant des documents audio et vidéo. Sans compter que chaque visite offre l’occasion de renouer avec le patrimoine unique de cet arrondissement historique qui a tant inspiré l’auteur.
Info : 418 828-1682 ou felixleclerc.com
La Promenade des écrivains
Créée en 2008 et récipiendaire du Prix du patrimoine de la Ville de Québec en 2011, La Promenade des écrivains entraîne ses participants à travers différents quartiers de la capitale, au gré d’une dizaine de circuits littéraires : « Le petit monde de Roger Lemelin », « Le premier jardin d’Anne Hébert », « Jacques Poulin, les sentiers du réconfort », « Un dimanche à la rivière Saint-Charles », « Nouvelle-France », « Romans-fleuves : les sagas de Québec », « Le polar à Québec », « Sur la piste de Chrystine Brouillet » et « Québec, ville réelle et fictive ». À l’occasion du centenaire de la fusion de Ville-Montcalm avec Québec, un nouveau parcours consacré au quartier Montcalm sera offert cet été. Les écrivains Gilles Pellerin, André Ricard et Julie Stanton, notamment, y prendront part en proposant des textes inédits qui seront lus aux participants.
Info : promenade-ecrivains.qc.ca
Musée de la civilisation
L’exposition « L’univers de Michel Tremblay » se poursuit jusqu’au 18 août au Musée de la civilisation de Québec. À l’intérieur de trois cubes au décor évocateur, le visiteur découvre les souvenirs d’enfance de l’auteur, puis Les belles-sœurs (1968), la pièce qui l’a rendu célèbre, et enfin, différentes archives visuelles. De plus, cinq stations relatent les étapes de sa vie au gré de textes, d’extraits d’entrevues et de photos.
Info : 418 643-2158 ou mcq.org
Maison François-Xavier Garneau
François-Xavier Garneau, auteur d’Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours (1845-1852), a vécu les dernières années de sa vie dans cette demeure de style néoclassique dessinée par l’architecte Peachy, située au 14, rue Saint-Flavien à Québec et construite en 1862. Les visiteurs peuvent s’imprégner de l’atmosphère d’une maison bourgeoise d’antan et voir une exposition sur l’Empress of Ireland qui regroupe plus de 50 objets provenant de l’épave de ce célèbre navire.
Info : louisgarneau.ca, onglet Compagnie, puis cliquer sur Maison François-Xavier-Garneau
Maison Samuel-Bédard
Louis Hémon, qui a écrit le célèbre roman Maria Chapdelaine (1916), a séjourné à la maison Samuel-Bédard lors de son passage à Péribonka en 1912. Il travaillait alors comme garçon de ferme et habitait l’appentis et le grenier de la modeste demeure de colonisation érigée en 1903. La résidence a été reconnue monument historique en 1983 en raison de son association avec l’écrivain d’origine française. Elle fait aujourd’hui partie du Musée Louis-Hémon, qui fête son 75e anniversaire cette année. Son exposition permanente « Maria Chapdelaine, vérités et mensonges », signée Michel Marc Bouchard, se penche sur les mystères entourant l’auteur et l’œuvre, en plus de présenter de nombreuses versions du livre, une copie dactylographiée par Hémon et des objets semblant tout droit sortis du récit. Aux alentours du musée, on peut aussi participer au circuit de découverte « Sur les traces de Maria Chapdelaine », qui s’attarde à des lieux, monuments et bâtiments liés à l’auteur, à l’héroïne et au roman.
Info : 418 374-2177 ou museelh.ca
Manoir Aubert de Gaspé
L’édifice qui abrite le Musée de la mémoire vivante à Saint-Jean-Port-Joli est une reconstruction du second manoir Aubert de Gaspé, bâti vers 1762-1763 et dévasté par un incendie en 1909. Le premier manoir, érigé aux alentours de 1730-1740, avait lui aussi été la proie des flammes en 1759. Philippe Aubert de Gaspé a vécu dans le second manoir, qu’il décrit dans ses Mémoires (1866) comme « une maison d’assez modeste apparence, ayant néanmoins la prétention de remplacer l’ancien et opulent manoir que messieurs les Anglais avaient brûlé en 1759 » et qu’il mentionne dans Les anciens Canadiens (1863) lorsqu’il relate l’incendie de la guerre de Sept Ans. Le musée lui consacre l’exposition « Monsieur Philippe, nos hommages », en plus de s’inspirer, dans son concept, du travail de cet écrivain reconnu pour avoir su transmettre les us et coutumes de son époque.
Info : 418 358-0518 ou memoirevivante.org
Maison Chapais
La Maison Chapais, au 2, route 132 Est à Saint-Denis-de-la-Bouteillerie, dans le Bas-Saint-Laurent, a déjà été habitée par Thomas Chapais, qui fut rédacteur en chef, directeur et propriétaire du Courrier du Canada et qui publia de nombreux ouvrages, mais qu’on connaît surtout comme politicien. Des guides-interprètes font visiter cette résidence victorienne construite en 1833 et révèlent les secrets de ce lieu rempli d’histoire.
Info : 418 498-2353 ou maisonchapais.com
Maison de l’écrivain
À Trois-Pistoles, l’ancienne maison de Victor-Lévy Beaulieu est devenue la Maison de l’écrivain, lieu protéiforme propriété du frère de l’auteur, Germain Beaulieu. Son restaurant, Le Grenier d’Albertine, est nommé en l’honneur du personnage de la télésérie L’héritage. Le décor du bar Chez madame Félix s’inspire des bars du téléroman Montréal P.Q. Au sous-sol, la Librairie de la confrérie fait la part belle aux Éditions Trois-Pistoles ainsi qu’aux auteurs du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Info : 418 851-2001 ou maisondelecrivain.com
Papeterie Saint-Gilles
La Papeterie Saint-Gilles, à Saint-Joseph-de-la-Rive dans Charlevoix, a été fondée il y a presque 50 ans par monseigneur Félix-Antoine Savard, auteur du célèbre roman Menaud, maître-draveur (1937). En 1992, cette entreprise de fabrication de papiers faits main est devenue le premier économusée du réseau. Les visiteurs peuvent y voir les artisans à l’œuvre et découvrir des collections anciennes et actuelles de papiers à correspondance, à dessin, chinés, etc.
Info : 418 635-2430 ou papeteriesaintgilles.com
Josiane Ouellet est rédactrice en chef du magazine Continuité.
À NOTER
Le prochain festival Québec en toutes lettres, qui se déroulera du 10 au 20 octobre à Québec, sera consacré à la vie et à l’œuvre de Gabrielle Roy, à l’occasion du 30e anniversaire de son décès.
Info : quebecentouteslettres.com
À LIRE
Dossier « Patrimoine et littérature », Continuité, no 55, hiver 1992-1993
Dossier sur le tourisme littéraire, Entre les lignes, vol. 8, no 3, printemps 2012
Collectif, Des écrivains dans la ville, L’instant même et Musée du Québec, 1995
Collectif, Montréal. À l’encre de tes lieux, Québec-Amérique, 2008
Monique LaRue (avec la coll. de Jean-François Chassay), Promenades littéraires dans Montréal, Québec-Amérique, 1989
Pierre Nepveu et Gilles Marcotte, Montréal imaginaire. Ville et littérature, Fides, 1992
Denise Pérusse, Pays littéraires du Québec. Guide des lieux d’écrivains, Les Éditions de l’Hexagone, 1998