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Station Polytechnique

Vue du projet Station Polytechnique | Photo : Caroline Perron

Une nouvelle vie loin des rails

Après plus de 50 ans à transporter les Montréalais, d’anciennes voitures de métro sont mises en valeur d’une manière originale. Deux exemples frappent l’imaginaire.

 

Un centre de diffusion culturelle au cœur du quartier montréalais Griffintown et un espace de ressourcement destiné aux étudiants de Polytechnique figurent parmi les projets qui intègrent quelques wagons de première génération du métro de Montréal. Le centre culturel sera érigé sous peu, l’espace étudiant est déjà aménagé et fréquenté. Neuf voitures du modèle MR-63, bien connu des usagers entre 1966 et 2018, y trouvent ainsi une seconde vie, leur évitant de partir à la casse comme quelque 300 autres.

 

Appel à aventure

C’est en mars 2016 que la Société de Transport de Montréal (STM) lance un appel à projets pour mettre en valeur certains des wagons ayant fait l’image de marque du métro. Sur la trentaine de soumissions reçues, sept sont sélectionnées, dont celles de Griffintown et de Polytechnique. L’évaluation des dossiers repose sur de nombreux critères : patrimoine, qualité de conception, faisabilité, garanties de réalisation, respect du caractère public et collectif du projet…

Frédéric et Étienne Morin-Bordeleau, entrepreneurs montréalais amoureux de la culture, comptent parmi ceux dont la candidature est retenue. Dès que les deux frères apprennent que la STM s’apprête à donner ces icônes du transport, une multitude d’idées germent dans leur esprit et les incitent à se lancer dans cette folle aventure.

« Le métro de Montréal a permis de faire découvrir la ville et de lier ses citoyens entre eux, remarque Frédéric Morin-Bordeleau. Nous désirions continuer sa mission en intégrant les anciennes voitures à un lieu où les gens peuvent se rencontrer et découvrir de nouveaux horizons. »

Les deux frères proposent de mettre en valeur huit MR-63 à même un pavillon culturel dont l’ouverture est prévue pour 2025 dans le quartier Griffintown. Les visiteurs y trouveront notamment un café, un restaurant, une buvette, une salle de spectacles numériques et une forêt de plantes indigènes. Répartis sur les trois étages du bâtiment, les wagons patrimoniaux offriront un havre de paix et un espace de détente, précise Frédéric Morin-Bordeleau. « Un tel lieu de découvertes culturelles et gastronomiques cent pour cent locales dans un pavillon carboneutre, c’est du jamais vu ! » dit-il.

Ambitieux, le projet baptisé « MR-63 » a exigé des années de démarches de la part des deux frères, avec l’appui d’une foule de complices privés et publics. En 2021, un grand terrain municipal du quartier Griffintown a été transformé en espace public, soit la place William-Dow, au coin des rues Peel et Ottawa. C’est là que sera bientôt érigé le pavillon. En attendant leur nouvelle heure de gloire, les wagons sont remisés dans un entrepôt de l’ouest de la ville.

 

Station Polytechnique-Alstom

Le concours organisé par la STM a aussi fait la joie d’un groupe d’étudiants de Polytechnique Montréal désireux d’acquérir un wagon, lorsque leur projet a été choisi. « Par un heureux hasard, cette nouvelle est tombée le 14 octobre 2016, le jour même du 50anniversaire du métro », se souvient Éric Doré, directeur du Service aux étudiants. Le plus beau de l’histoire : dans les années 1960, des ingénieurs diplômés de cet établissement ont contribué à la conception du MR-63 et à sa mise en service. Il était donc normal pour les étudiants que cette pièce patrimoniale retourne à la Polytechnique pour occuper une place au soleil alors qu’elle a passé sa vie sous terre.

« Le métro de première génération est un patrimoine technologique qui doit être conservé, car il est le reflet du génie québécois des années 1960 », souligne Éric Doré, ajoutant qu’il a fallu procéder à des opérations minutieuses pour réussir l’installation de cette vedette de 1963. « Déménager une voiture de 17 mètres de longueur qui pèse 13 tonnes, la suspendre dans le vide d’une cage d’escalier des pavillons Lassonde de Polytechnique et s’assurer de la solidité de la structure d’acier qui supporterait son poids imposant, cela a aussi représenté un véritable défi d’ingénierie. » Pour ce faire, on crée un comité mixte composé des initiateurs du projet, mais aussi de personnes de la Polytechnique et de l’Université de Montréal ainsi que des gens de l’externe. Le comité veille à l’installation du MR-63, à l’aménagement du site et à la détermination de sa vocation. « Cela représente trois années et demie de travail, pour un coût total de 450 000 $, assumé en partie par la société française Alstom qui a fait un don de 300 000 $. »

Selon Éric Doré, le MR-63, juché tout en haut de l’atrium et dans lequel on peut entrer librement, dégage une image forte dans l’enceinte des pavillons Lassonde. « Ce wagon était très avant-gardiste pour son époque. Il rappelle entre autres les notions d’électrification des transports, de déplacement durable, de transport collectif. Des valeurs chères à nos étudiants actuels. »

Depuis 2019, la voiture vit donc une deuxième carrière. Après avoir transporté des millions de personnes, elle est devenue un espace convivial appelé la Station Polytechnique-Alstom. Le lieu est destiné à briser l’isolement des étudiants par des activités axées sur le mieux-être et la santé psychologique.

Sur le campus comme dans Griffintown, monter à bord des wagons patrimoniaux promet tout un voyage.

Francine Saint-Laurent est journaliste indépendante.

 

Cet article est disponible dans :

Patrimoine et transport. Héritage en mouvement

Printemps 2024 • Numéro 180

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