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Morceau de canon Poste de traite de Chicoutimi

Photo : Jennifer Gagné, Laboratoire d’histoire et d’archéologie du Subarctique oriental

Un canon sans armée?

Des artéfacts sont parfois découverts dans des endroits si étonnants qu’ils semblent y être apparus par magie. Voici l’étrange histoire d’une pierre trouvée là où on ne l’attendait pas avant qu’elle ne dévoile sa vraie nature.

En 2015, des archéologues explorent les vestiges de la maison du commis du Poste-de-traite-de-Chicoutimi, un bâtiment habité vers 1740. Leurs recherches minutieuses mènent à la découverte d’une pierre bien particulière. Elle est de couleur et de texture différentes de celles qui composent la fondation de la demeure et, surtout, elle n’a pas le même positionnement.

D’emblée, l’équipe se questionne. Faut-il laisser en place cette pierre intrigante ? Son retrait fragilisera-t-il la structure de l’édifice ? Et, grand dilemme de l’archéologue : altérera-t-on un élément essentiel de l’histoire de ce site patrimonial et de la maison qui l’occupe en enlevant un morceau de la fondation de celle-ci ?

Après plusieurs jours de réflexion et d’hésitation, les spécialistes décident d’extraire la pierre. Durant l’opération, ils réalisent qu’il s’agit en fait d’un gros objet en fonte placé là pour solidifier la fondation de la maison.

Une mystérieuse présence

Fiers de leur trouvaille, les archéologues amorcent un important travail de recherche dans les archives pour conclure que cet artéfact est un fragment de canon. Pourtant, outre les fusils de traite et de chasse, les documents anciens ne mentionnent pas la présence d’armement au poste de traite. Qu’est-ce qu’un canon pouvait bien faire à cet endroit ?

L’équipe poursuit ses recherches afin de percer ce mystère. Finalement, elle découvre que ce fragment provient en fait d’un pierrier, soit un petit canon servant à lancer de la pierre. Selon l’hypothèse la plus plausible, celui-ci serait arrivé à Chicoutimi sur un bateau livrant de la marchandise. Sa fracture proviendrait des suites de son utilisation quelque part en mer. Après avoir été déchargé du navire, il aurait été abandonné. Le fragment aurait été utilisé pour soutenir la fondation de la maison du commis lors de sa construction.

Bien que cette interprétation ne soit malheureusement pas documentée, la découverte de cet artéfact constitue un moment fort des sept années de fouilles qui se sont déroulées sur le magnifique site patrimonial du Poste-de-traite-de-Chicoutimi. Il marque l’imaginaire et est régulièrement utilisé dans le cadre d’expositions muséales. Il s’agit d’une pièce inestimable ! ◆

Jennifer Gagné est archéologue. Cette histoire a fait l’objet d’une des vidéos de la série « Secrets d’archéologues », réalisée par Archéo-Québec en 2020.

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Patrimoine médical. Un legs sous examen

Printemps 2021 • Numéro 168