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Photo célébrant la victoire de la Seconde Guerre mondiale

Photo : Studio W.B. Edwards

V pour victoire

Prise à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la photographie ci-bas possède une richesse exceptionnelle. En voici la preuve.

Nous sommes à Québec, le mardi 8 mai 1945. En Europe, l’Allemagne nazie vient de signer sa capitulation officielle. Hitler s’est suicidé la semaine précédente. La Seconde Guerre mondiale, le conflit le plus sanglant de l’humanité avec 60 millions de morts, est enfin terminée. 

Ce jour historique est déclaré férié par le gouvernement canadien. Dans une atmosphère de fête, des milliers de gens convergent vers la basilique-cathédrale de Notre-Dame-de-Québec. Ils viennent célébrer la victoire des Alliés et entendre les discours du cardinal Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve et du maire Lucien Borne.

La photo ci-contre est prise à cette occasion. Elle fait partie d’un corpus de 18 clichés réalisés par le studio W.B. Edwards durant ce grand rassemblement. Cette collection d’exception appartient au petit-fils de William Bertram, Martin Edwards, qui la conserve précieusement.

La reddition complète de l’Allemagne marque la fin d’une période extrêmement sombre de l’Histoire. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre sur la planète. Rapidement, des manifestations de joie se produisent à plusieurs endroits. 

La ville de Québec n’est pas en reste. Une foule en liesse investit la place de la basilique. Les gens se réjouissent que ce calvaire soit enfin terminé. On met ses plus beaux atours et on se rend devant l’église. Notez que tous les visages sont tournés vers elle. En face, l’hôtel de ville semble bien tranquille. 

L’angle de la prise de vue est remarquable, juste assez haut pour obtenir une vision d’ensemble, mais pas trop, de façon à bien faire sentir l’enthousiasme de la foule. À n’en pas douter, le membre de la famille Edwards qui a réalisé ces clichés était un photographe bourré de talent. Malheureusement, à ce jour, nous ne savons pas lequel des quatre enfants de W.B. Edwards en est l’auteur.

Les gens expriment leur bonne humeur en chantant et en criant. Ils sont munis d’affiches sur lesquelles on peut lire le « » de la victoire, mais aussi « Hitler chez Satan », « Vive King », « Le boche est fourré », « Vive de Gaulle » et même « Il ne nous manque qu’un drapeau canadien ». En effet, tous les étendards qui apparaissent sur le cliché sont ceux du Royaume-Uni (le drapeau royal de l’Union). L’unifolié ne sera officialisé qu’en 1965.

D’autres détails sautent aux yeux. Les policiers présents, en costume d’apparat, arborent le célèbre casque arrondi des bobbies anglais. On remarque, en bas à droite de l’image, le micro de la CBC qui doit retransmettre les allocutions du cardinal et du maire à l’aide des haut-parleurs installés sur la clôture.

Debout sur cette clôture, un garçon portant des pantalons de type britches fixe le photographe. Représentant d’une jeunesse avide de paix, il est entouré d’autres étudiants, probablement tous du Petit Séminaire de Québec. La structure en fer forgé sur laquelle il se tient est toujours en place aujourd’hui. Elle témoigne d’un travail de ferronnerie de grande qualité.

En arrière-plan, depuis le second étage d’un édifice, une infirmière en uniforme contemple la foule. Elle se prépare sans doute à se rendre à l’Hôtel-Dieu de Québec situé non loin.

L’éternelle et fidèle tabagie J. E. Giguère est aussi visible. Sa devanture annonce les cigarettes de marque Winchester. Chez son voisin, Jos Burns, on vante plutôt les Sweet Caporal. Les librairies Garneau et Vachon encadrent les deux commerces.

Au fond, à côté de l’hôtel de ville, on distingue le monument de Louis Hébert. Celui-ci sera relocalisé au parc Montmorency en 1976, du côté de la rue des Remparts.

Cette photographie, digne des plus grandes de l’histoire canadienne, respire le bonheur, la joie et l’espérance d’une vie meilleure. Elle est un signe des temps nouveaux qui s’annoncent. Sans contredit, il s’agit là d’un document iconographique exceptionnel. 

Pierre Lahoud est photographe et historien spécialisé en patrimoine.

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Habiter un milieu ancien. Bienvenue aux passionnés

Automne 2021 • Numéro 170

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